(…) pourquoi ceux qui profitent de la destruction auront toujours plus d’argent que nous, et seront toujours capables de nous faire dépenser plus. Un exemple pour que ce soit plus clair. Disons que je fais plein de sous en écrivant et en vendant des livres. Oups, oubliez ça, puisque la fabrication des livres – même en papier recyclé imprimé avec de l’encre à base de soja – nécessitent beaucoup d’eau, beaucoup d’énergie (esclave fantôme) et de matériaux bruts. En d’autres mots, c’est très destructeur. D’accord, alors disons qu’à la place je fais plein de sous en fabricant plein de sous (en d’autres mots, j’ai ma propre imprimerie et je me tape le boulot tout seul). Oups je ne peux pas faire ça, puisque la contrefaçon nécessite du papier de très haute qualité et beaucoup d’encres probablement toxiques, beaucoup d’énergie, etc. En d’autres mots, c’est aussi très destructeur. D’accord, donc, au diable tout ça, disons qu’à la place je vais juste à la banque (en portant des vêtements usés piqué dans la poubelle des Emmaüs ndlt) et je prends plein de sous. Je fais ça la nuit, parce que je ne veux pas menacer ou effrayer les guichetiers, ou commettre toute action qui pourrait être interprétée comme étant violente. Et même mieux, je ne vais pas à la banque, mais je me glisse par une porte ouverte la nuit dans un Carrefour ndlt. Je ne veux pas briser de vitre, parce qu’il y en a qui vont considérer ça comme de la violence. Je ne dynamite pas le coffre-fort car il y en a qui vont considérer ça comme de la violence. Mais disons que le coffre-fort est ouvert. Je prends plein de sous. Ou si le coffre-fort n’est pas ouvert, j’embarque un tas d’articles, je me fabrique des tickets (d’accord, ça aussi c’est du papier mais passons là-dessus) et je les retourne quelques jours, quelques semaines, quelques mois après pour avoir plein de sous. Carrefour, avec ses quelques 100 milliards d’euros de chiffre d’affaire, ne va pas en être lésé.408 Le fait est que j’ai en quelque sorte trouvé une façon d’obtenir plein de sous qui a) ne m’amène pas à « produire » – en d’autres mots détruire – quelque chose, et qui b) ne m’amène pas à payer des taxes – en d’autres mots à payer le gouvernement pour qu’il puisse détruire. La question est alors, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de tout ce liquide? Disons que je fais ce que je ferais vraiment si j’avais plein de sous: j’achèterais une terre et m’y installerais. Laissons de côté le fait qu’en faisant cela je renforce cette idée très dommageable que la terre puisse être achetée et vendue. J’achète un système d’irrigation, et je me mets à travailler un habitat pour les saumons, les cyprès de Lawson, les pumas, les lamproies du pacifique, les grenouilles de Californie etc. Je crée un sanctuaire, un lieu où les salamandres, les tritons, les rainettes, les tohis, les sayornis, les chouettes rayées puisse vivre et prospérer comme c’était le cas avant l’arrivée de notre affreuse culture. J’ai fait une grande bonne action, peut-être aussi grande et bonne que celle qu’Elser a tenté de faire. Mais à présent je me retrouve à vouloir protéger plus de terres, parce que ces créatures ont besoin de plus d’habitats. Qu’ai-je à faire? Puisque j’ai maintenu cette terre hors production, et ainsi je ne « fais pas d’argent » dessus, je dois écrire plus de livres, imprimer plus d’argent, faire plus d’aller-retour à Carrefour, et à moins que j’aie trouvé d’autres façons qui ne soient pas destructrices pour obtenir de l’argent – comme les sessions nocturnes à Carrefour – alors je dois simplement sacrifier d’autres lieux ailleurs, que je ne vois pas pour que la terre que je vois puisse être protégée. (…)
À présent, opposons ça à quelqu’un qui achète tout ce bassin non pas pour créer un sanctuaire de ce genre mais pour couper des arbres. Cette personne « fera de l’argent » avec cette terre en la malmenant, et pourra utiliser cet argent pour acheter plus de terre, pour y couper encore plus d’arbres et faire encore plus d’argent, et utiliser cet argent pour acheter plus de terre, etc jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. (…)
Parce que l’économie civilisée est extractive, parce qu’elle récompense ceux qui exploitent les humains et les non humains, ceux qui ne rendent pas à la terre ce dont elle a besoin, ceux qui se déconnectent de la réciprocité qui caractérise les économies durables (et les relations), ceux qui estiment l’accumulation de l’argent et du pouvoir au-dessus de la vie, auront toujours plus d’argent et de pouvoir que ceux qui estiment la vie plus importante que l’argent ou le pouvoir.
ndlt Emmaüs et Carrefour sont des enseignes choisies pour ‘traduire’ Goodwill et Walmart: la première parce que Goodwill est la friperie la plus répandue aux Etats unis, et bien que ce soit plus un magasin d’occasion et de déstockage, il a aussi des ambitions “sociales” certes floues, mais affirmées (en partenariat avec le Rotary). La seconde à cause du chiffre d’affaire, qui serait équivalent, de même que la poilitique en ressources humaines, soit dit en passant, d’après les sources de Wikipedia:http://fr.wikipedia.org/wiki/Walmart
408 Et oui, et ça ne le fait pas, ça!
Traduction: derrickjensenfr.blogspot.ca
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