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psychopathie de la culture dominante

Je viens d’employer le mot « psychopathe » pour désigner Charles Hurwitz et d’autres qui dirigent cette culture. Et j’emploie très bien ce mot.180  On définit comme psychopathe quelqu’un qui peut causer des dommages sans éprouver de remords: « de tels individus sont impulsifs, insensibles aux besoins des autres, et incapables d’anticiper les conséquences de leur comportement, de poursuivre des objectifs sur le long terme, ou de supporter la frustration. L’individu psychopathe est caractérisé par l’absence de sentiments de culpabilité et d’anxiété qui accompagnent normalement un acte antisocial. »181  Le Dr Robert Hare, qui a étudié longuement les psychopathes, dit clairement que « parmi les agissements psychopathes les plus dévastateurs se trouvent le mépris glacial pour les droits des autres et une propension aux comportements prédateurs et violents. Sans éprouver aucun remord, les psychopathes charment et exploitent les autres pour leur propre bénéfice. Ils n’ont pas d’empathie, ni le sens de la responsabilité, et ils manipulent, mentent et embobinent les autres sans considération aucune pour les sentiments des autres. »182  Hare déclare également « Trop de gens continuent de croire que les psychopathes sont essentiellement des assassins ou des détenus. Le public commun n’a pas été éduqué à dépasser les stéréotypes sociaux pour comprendre que les psychopathes peuvent être des PDG, des politiciens, des entrepreneurs et autres individus à succès qui ne verront probablement pas l’intérieur d’une cellule. »Vous pouvez piocher dans ces définitions. Les deux marchent pour Hurwitz, pour les entreprises, et ceux qui les font tourner, et pour la culture en général.(…)La psychopathologie en action.Des scientifiques ont finalement réalisé que les oiseaux sont dotés d’intelligence. Selon un article du New york Times : « Aujourd’hui, dans le journal Nature Neuroscience Rewiews, un groupe international d’experts aviaires émettent une prise de position qui pourrait ressembler à un manifeste. Ils disent que presque tout ce qui a été écrit dans les livres d’anatomie sur le cerveau des oiseaux est faux. Le cerveau des oiseaux est complexe, flexible et inventif comme tous les cerveaux des mammifères, disent-ils, et il est temps d’adopter une nomenclature plus exacte, qui reflète une nouvelle compréhension anatomique des cerveaux aviaires et mammifères. »Jusque là ça va. Bien sûr qu’on n’a pas besoin des scientifiques pour penser que les oiseaux sont intelligents : ils le sont tout à fait, si on y paie attention.Cette prise de conscience que les oiseaux sont intelligents fait partie d’une révolution, selon le Dr Peter Marler. Encore une fois, jusque là ça va. Mais cette révolution n’est pas la même que la mienne. Voici la sienne : « Je pense que les oiseaux vont remplacer le rat blanc de laboratoire comme cobaye favori pour étudier les fonctions anatomiques. »Soyons clairs : après toutes ces années, les scientifiques réalisent ce qu’ils auraient dû savoir depuis longtemps, que les oiseaux sont des créatures complexes, intelligentes, qui peuvent ressentir, et que leur première pensée est de les torturer.Voilà l’essence de la psychopathologie. C’est l’essence de la civilisation.

Précédemment, j’ai parlé des caractéristiques des abuseurs, et démontré qu’on pouvait les appliquer à la culture dans son ensemble, et j’aimerais faire la même chose, beaucoup moins longuement, avec les caractéristiques des psychopathes. Les caractéristiques suivants viennent de la ICD-10 Classification of Mental and Behavioural Behaviors Disorders, Organisation Mondiale de la Santé, Genève, 1992, Section F60 sur les Désordres Antisociaux:

A : reste de marbre face aux sentiments des autres.

B : présente une attitude irresponsable et méprisante pour les normes sociales, les règles et les obligations.

C : est incapable de maintenir des relations sur le long terme, qu’il n’a pourtant aucun mal à établir.

D : ne tolère pas la frustration, et devient agressif très vite, voire violent.

E : est incapable de ressentir la culpabilité et de tirer partie de son expérience, en particulier celle de la punition.

F : est nettement prédisposé à accuser les autres, en argumentant rationnellement sur leur comportement en conflit avec la société.

Je suis sûr que vous pouvez voir comment appliquer ceci à la culture dans sa globalité, et à ceux qui la font tourner. Parcourons vite fait cette classification.

Rester de marbre face aux ressentis des autres. (…) Est-ce que les civilisés se sont déjà souciés des sentiments des indigènes dont ils ont volé les terres ? Et le demi millions d’enfants irakiens morts, parce que « c’est le prix à payer », selon Madame Albright ?Combien de fois avons-nous entendu que toute émotion devait être bannie des études scientifiques? Combien de fois nous a-t-on dit que les émotions ne devaient jamais interférer avec les décisions mettant en jeu de l’argent ?(…) Les poulets en batterie ressentent-ils quelque chose ? Et les porcs ? Et les singes de laboratoire ? Et les arbres ? Et les rivières ? Et les pierres ? Cette culture reste non seulement de marbre face aux ressentis des autres, mais en plus elle les dénie.

Ensuite, une attitude irresponsable et méprisante pour les normes sociales, les règles et les obligations. Manifestement les civilisés sont irresponsables : je ne pense pas qu’il y ait de plus irresponsable que de tuer la planète. Quant à l’objet de cette irresponsabilité dans cette définition, puisque c’est la société entière qui souffre de ce désordre, ses règles, ses normes et ses obligations ne peuvent pas être les repères par lesquels nous jugeons de ce que doivent être des normes, des règles et des obligations. Cela reviendrait à se demander si Ted Bundy a agi en accord avec ses normes, ses règles et ses obligations à lui, quand il a violé et tué des femmes. Et quels sont les normes sociales, les règles et les obligations de cette culture ? Normes : le viol des femmes, l’abus des enfants, la destruction des terres. Règles : les lois sont faites par ceux qui ont du pouvoir, pour eux et dans le but de les y maintenir. Obligations : d’amasser le plus de pouvoir possible, de ne jamais dévier du prémisse quatre de ce livre : toujours – toujours – protéger les abuseurs et les structures sociales abusives.

Parlons des normes, règles et obligations à plus large échelle, celle de vivre de façon soutenable sur cette planète, en accord avec le principe fondamentale de la relation proie-prédateur 191, de donner autant sinon plus à la terre qui te nourrit, de vivre au sein d’une communauté humaine et non humaine dans la coopération. J’ai lu bien des constats de la part des indigènes sur le fait que les civilisés ne respectent même pas les règles du vivant. Rappelez-vous des propos de Sauk Makataimeshiekiakiak (Black Hawk)192 « Un Indien qui est aussi mauvais qu’un homme blanc ne pourrait pas vivre dans nos nations ; il serait mis à mort, et donné en pâture aux loups. Les hommes blancs sont de mauvais pédagogues ; ils distribuent des livres faux, et marchandent faussement ; ils sourient aux pauvres indiens pour les trahir ; ils leur serrent la main pour avoir leur confiance, pour les rendre ivres, pour les tromper et ruiner nos femmes. Nous leur avons dit de nous laisser tranquilles, et de rester loin de nous ; mais ils nous ont suivis, nous ont harcelés, jusqu’à nous étouffer, comme le serpent. Ils nous ont empoisonnés en nous touchant. Nous n’étions plus en sécurité. Nous étions en danger. Nous sommes devenus comme eux, hypocrites et menteurs, adultérins, des zombis, des causeurs, mais pas des travailleurs. »193

Ensuite, les psychopathes sont dans l’incapacité de maintenir des relations dans le long terme, alors qu’ils n’ont pas de difficulté à les établir. Depuis combien de temps cette culture est sur ce continent ? Je vis sur la terre des Tolowa, et les Tolowa vivaient là depuis au moins 12000 ans (si vous croyez les scientifiques, ou depuis le commencement, si vous en référez aux mythes Tolowa). Ils avaient une relation durable avec leur environnement humain et non humain. Nous non. C’est dur de maintenir des relations durables avec ceux que vous exploitez.

Les psychopathes ne supportent guère la frustration et montent vite en agressivité, et en violence. Combien de fois les États unis ont-ils envahi d’autres pays ? Combien d’indigènes ont-ils été massacrés par les civilisés ? Quelles genres d’excuses a-t-on invoquées à la légère pour ça ?

La caractéristique suivante est l’incapacité à ressentir de la culpabilité, et de tirer profit du vécu, surtout de la punition. Charles Hutwitz se sent-il coupable des déforestations des forêts anciennes de séquoias? Après avoir déforesté le moyen orient, le bassin méditerranéen, l’Europe de l’ouest, la Grande Bretagne, l’Irlande, la plupart des Amériques, l’Afrique, l’Océanie et l’Asie, dont les dommages collatéraux ne font que de s’aggraver, pouvons-nous dire honnêtement que nous tirons des leçons du passé ? Combien ont tiré profit des dommages causés par des technologies en introduisant d’autres technologies qui n’ont fait qu’empirer la destruction ? Avons-nous appris du changement climatique induit par les énergies fossiles ? Cela nous a-t-il stoppé dans l’ingénierie génétique ? Et la nanotechnologie ? Et la bombe atomique ? Les pesticides ? Les barrages ? Bien sûr que non.

Finalement, il y a cette propension très nette à blâmer les autres ou à rationaliser le comportement qui met le psychopathe en conflit avec la société. Quelle responsabilité Hurtwitz a endossé pour sa violence ? Et G.W. Bush ? Et le violeur ? Bush justifie la déforestation par les risques d’incendie. Clinton et les entreprises accusent les coléoptères. C’est la même chose pour les histoires des psychopathes. Et ça me rend malade.

J’ai longtemps comparé le fait de vivre sur une planète limité avec cette culture dominante au fait de vivre enfermé dans une pièce avec un psychopathe.194 Il n’y a pas d’échappatoire, et bien que le psychopathe choisira d’autres cibles d’abord, ce sera finalement notre tour. Finalement nous devrons nous battre. Il n’y a pas d’alternative. Et le plus tôt nous riposterons – le plus tôt nous tuerons ce psychopathe – le plus de vie pourra être maintenue.

Traduction: derrickjensenfr.blogspot.ca


180   Bien que dans l’industrie de la psychologie et de la psychiatrie, le terme « sociopathe » soit plus utilisé que « psychopathe » pour désigner à peu près la même chose, j’ai choisi « psychopathe » car il est plus présent dans le langage courant.
181  
New Columbia Encyclopedia, 4ème édition.
182   Ramsland, Katherine, « Dr Robert Hare : expert en psychopathie », chap.5, « Définition du Psychopathe », Bibliothèque CourtTV de criminologie : mentalités et méthodes criminelles. (accès le 6/08/2006).
191   Si tu consommes la chair des autres, tu est responsable de la survie de leur communauté.
192   Ce nom a bien sûr été volé par l’armée américaine pour désigné un hélicoptère utilisé pour tuer ceux qui se révoltent contre ceux qui sont au pouvoir. Ai-je déjà dit que je détestais cette culture ?
193   Blaisdell, Bob, ed.
Great speeches by Natives Americans, Mineola, NY : Dover, 2000, pp.84-85.
194   J’ai emprunté cette comparaison à Ward Churchill.

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No Responses — Written on January 15th — Filed in Français

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