Je suis allé voir Star Wars quand j’étais au lycée, ce qui semble la bonne période pour le voir. J’ai beaucoup aimé. Je n’ai pas été de ceux que se le sont visionné plus d’une centaine de fois. Je n’étais pas un nerd à ce point-là. Et puis, j’étais très occupé avec mes parties de Donjons et Dragons. Je l’ai revu récemment. Ce n’était pas aussi bon que dans mon souvenir. En fait c’est plutôt mauvais. Les personnages sont plats, les dialogues sont gna-gnan, le jeu des acteurs insignifiant. Mais j’aime encore la fin, quand Luke se souvient « d’utiliser la force » pour faire exploser l’Étoile de la Mort. ndlt
Pour ceux d’entre vous qui auraient oublié, l’Étoile de la Mort (selon le site internet officiel de Star Wars) « était le nom de code d’une arme incroyablement puissante et horrible développée par l’Empire. L’immense station spatiale transportait une arme capable de détruire des planètes entières. L’Étoile de la Mort était un instrument de terreur capable de soumettre les mondes félons par une menace d’annihilation. Alors que l’énorme station spatiale prouve que l’Empire Galactique est une force du mal, elle montre aussi la plus grande faiblesse du Nouvel Ordre – la croyance que la technologie et la terreur sont supérieure à la volonté des oppressés qui se battaient pour la liberté. » C’est assez intéressant tout ça, et bien sûr applicable à la discussion en cours : la civilisation comme Étoile de la Mort.
Le site internet dit aussi : « L’Étoile de la Mort était une station militaire de la taille d’une petite lune, avec un déploiement formidable de turbo-lasers et de projecteurs à rayons tracteurs lui donnant une puissance de tir deux fois supérieur à celle de la flotte Impérial. Dans son énorme intérieur se trouvent des légions de troupes impériales et de vaisseaux de combat, et aussi des bâtiments de détention et d’interrogatoires. L’Étoile de la Mort était sphérique et de couleur gris sombre. Sur l’hémisphère nord se trouvait un disque concave abritant la station du principal rayon laser… Dans le but de faire une démonstration brutale du pouvoir de l’Étoile de la Mort, Grand Moff Tarkin a visé le monde paisible de Alderaan. (La princesse rebelle) Leïa Organa, une captive impériale à ce moment-là, a été forcée à regarder l’explosion fulgurante du laser sur le monde qu’elle aimait, le transformant lui et ses populations en un débris de cendres en orbite. » Je ne sais pas si vous vous sentez d’un coup comme un être captif de l’empire, forcé à regarder le monde et sa population (humaine et non humaine) que vous aimez en train d’être transformé en un débris de cendres en orbite. Pour moi c’est le cas.
Le site internet continue, « Employant des données techniques dérobées, les tacticiens de l’Alliance (rebelle) ont été capables d’épingler une faille cruciale dans la construction de l’Étoile de la Mort. Un petit orifice d’échappement pour refroidir le rayon menait directement de la surface de la base au cœur de son colossal réacteur. Si l’on pouvait faire une brèche dans le conduit avec une torpille à protons, par une réaction en chaine on pouvait détruire la base. » 467 Nous savons tous ce qui s’est passé ensuite : en employant la force, et avec l’aide de han solo et de Chewbacca, ainsi que de l’esprit de Obi-Wan Kenobi, Luke Skywalker a été capable de lâcher une torpille à protons direct dans le conduit étroit, et de faire exploser l’Étoile de la Mort. Une petite torpille de protons a détruit l’Étoile de la Mort. Cela serait un bel exemple d’amplification de sa puissance en employant un levier bien placé. Dans notre cas, pour filer la métaphore, où placerions-nous la charge ? Où se trouve le bon orifice de refroidissement ? Comment pourrait-on amorcer une réaction en chaine qui causera l’autodestruction de l’Étoile de la Mort avant la nôtre ?
Vous savez, n’est-ce pas, que ça n’était pas la fin du film, à l’origine. J’ai entre les mains un avant projet très rare du script de Star Wars, qui n’avait jamais été publié auparavant. 468 Cela peut vous surprendre, mais ces premières ébauches ont été écrites par des environnementalistes. 469 Dans cette version, les rebelles, bien sûr, ne font pas exploser l’Etoile de la Mort, mais à la place préfèrent employer d’autres tactiques pour ralentir la marche intergalactique de l’Empire. Par exemple, ils mettent en place des programmes pour les habitants des planètes sur le point d’être détruites leur permettant de produire des articles de luxe comme des bootbags en chanvre, et du café gourmet pour le vendre aux habitants de l’Étoile de la Mort. L’audience découvrira également qu’il y avait des plans en cours pour encourager des tas de soldats et autres citoyens de l’Empire à se payer des éco-tours pour visiter les planètes condamnées. Et dans un retournement surprenant qui collera les spectateurs sur leur siège, d’autres groupes rebelles portent plainte contre l’Empire, pour tenter de montrer que la déclaration de Dark Vador sur l’impact environnemental appuyant sa décision comme quoi faire sauter les planètes n’aura pas d’impact significatif, n’est pas valable. Les spectateurs se laisseront transporter par les projets trépidants de boycott sur des produits issus des entreprises qui comptent Dark Vador parmi leurs décisionnaires, et vont faire trembler les sols de toutes les salles obscures quand ils vont voir des sacs remplis de lettres adressées directement à M.Vador lui-même, lui demandant de bien vouloir ne pas faire sauter d’autres planètes. (il y a une note d’un des scénaristes dans la marge: « Pour être plus précis, quand nous montrons des exemples de ces lettres, il est impératif que ces lettres adressées à M.Vador soient respectueuses et courtoises, et qu’elles soulignent la nécessité de trouver des solutions de coopération aux divergences entre les rebelles et l’Empire. Il n’est pas possible que les lettres puissent mettre M.Vador en colère ou dans de mauvaises dispositions. Si les lettres énervent M.Vador, la campagne de lettres adressées au Grand Moff Tarkin par les rebelles risquerait d’échouer aussi. ») D’autres plans incluent des pétitions et des suivis de procès.
Maintenant vous et moi savons que tout ceci devrait suffire non seulement à mettre l’Empire à genoux, mais aussi à faire une bête de film. Mais il y a plus. Des milliers de rebelles renégats, mécontents de ce qu’ils perçoivent comme des flagorneries de la part des rebelles, décident, dans une scène garantissant effusions de larmes même chez les spectateurs les plus durs à cuire, de rester sur les planètes qui vont être détruites en se tenant les mains (ou, dans certains cas, les tentacules) et en chantant « Donner une chance à la paix ». Ils envoient des DVD à Dark Vador et son chef Grand Moff Tarkin, à qui ils envoient également des vagues et des vagues d’amour. Quelques rebelles se faufilent à bord de l’Étoile de la Mort et s’enferment dans diverses salles d’équipement. (Plus avant dans l’avant-projet du film, les scénaristes ont inclus une longue scène montrant les entraînements intensifs aux actions de communication non violentes précédant l’engagement chez les rebelles. La plupart des scénaristes, par ailleurs, les avaient à l’origine appelé armée rebelle, mais plusieurs d’entre eux avaient objecté que ce nom avait des connotations violentes. Il y a eu ensuite « la force rebelle », mais ce fut tout autant contesté. Dans tous les cas la scène nuancée d’entraînement aux actions non violentes a été abandonnée dans les projets ultérieurs et l’infâme (et horriblement violente) scène de la Cantina, fut mise en place de façon incompréhensible pour certains. 470 Des débats passionnés entre rebelles sont mis à l’écran, concernant si oui ou non ils devraient se rendre volontairement à l’approche des troupes, ou s’ils devaient restés enfermés jusqu’à la fin. Dans une brillante et courageuse touche d’authenticité, les rebelles ne sont jamais arrivés à un consensus.
Les scénaristes eux-mêmes sont entrés dans un débat si oui ou non les soldats devaient décapiter à l’écran les rebelles qui s’étaient enfermés, avec un scénariste affirmant qu’il fallait plutôt montrer explicitement les rebelles capturés vivants et amenés aux interrogatoires : « ce qui montrerait, avait-il annoté, ou même impliquerait le fait que les soldats commettraient de toute façon ces actes de violence, en réponse à ces défis manifestes à leur autorité, puisque les rebelles avaient envahi leur espace et commettaient des violences envers leurs machines en interférant avec le règlement d’usage de ces machines, ce qui enverrait absolument un mauvais message aux spectateurs, et donnerait une mauvaise impression aux intentions ultimement paisibles de M.Vador ».
Une fois à l’intérieur de l’Étoile de la Mort, une fraction dissidente se forme pour s’y enfermer. Ils se ruent dans les couloirs, arrivant à esquiver les myriades de soldats. Ils brûlent quelques vaisseaux de transport, et utilisent des produits chimiques pour graver l’inscription : « Front de Libération de la galaxie » sur les murs de l’Étoile de la Mort. Ce groupe s’échappe miraculeusement et retourne sur les planètes destinées à la destruction où les manifestants pacifistes les capture pour les livrer aux soldats. Les commentaires de ce même scénariste sont : « Non seulement c’est vital, une fois encore, que le bon message soit donné aux spectateurs en montrant ces rebelles dans la position de devoir prendre les responsabilités de leurs actions, mais ce serait aussi terriblement irréel d’attendre de la part de ces pacifistes de cautionner ces actions car cela donnerait simplement la bonne excuse pour Dark Vador de faire exploser les planètes. Les hooligans irrespectueux doivent être livrés sur le champ et sans discussion à l’Empire. »
Vers la fin du film, un débat se tient parmi les rebelles. (Un problème que j’ai eu avec ce scénario environnementaliste était qu’il y avait trop de débats et pas assez d’actions. 471) Alors que l’Étoile de la Mort s’avance, de plus en plus menaçante, les rebelles se décident à prendre les armes pour se battre. Ces rebelles sont pour la plupart descendus par les pacifistes, qui se justifient en disant que attaquer les dirigeants de l’Étoile de la Mort est « juste un autre exemple de la philosophie agressive de l’Empire. » Ils déclarent que les rebelles qui veulent riposter par les armes sont simplement cooptés par le besoin de contrôler les choses. Si nous voulons changer Dark Vador, nous devons d’abord devenir le changement. Pour changer le cœur de Dark Vador, nous devons d’abord changer le nôtre. Nous devons par dessus tout avoir de la compassion pour Dark Vador, et garder en tête que lui aussi, un jour, a été un enfant. Un scénariste a mis dans la marge : « Excellent ! Cela fera surement mouiller les joues de tous les gens sensibles de la planète ! » Il n’a pas fait mention s’il y aurait des larmes de frustration. Finalement Leia, Luke, han, Chewbacca et un couple de robots apparaissent et disent aux autres qu’ils ont trouvé un moyen de faire sauter l’Étoile de la Mort. Le reste des rebelles – même ceux qui étaient au début en faveur d’attaques chirurgicale visant à faire « bouger » l’Étoile de la Mort – sont horrifiés. Ils font remarquer que faire exploser l’Étoile de la Mort se fera rien pour changer les cœurs et les esprits de ceux qui l’ont créée, et n’accomplira donc rien. Han Solo rétorque, « Cela empêchera l’Étoile de la Mort de détruire cette planète. » Les rebelles sont fermés. Ils rappellent aux quatre indisciplinés que l’Étoile de la Mort a une équipe de 265675 plus 52276 tireurs, 607360 soldats, 25984 soldats des sections d’assaut, 42782 personnes travaillant sur l’entretien des vaisseaux et 167216 pilotes.472 Chacune de ces personnes sur l’Étoile de la Mort a une famille. Voulez-vous faire des orphelins ? Les pacifistes eux-mêmes commencent à pleurer. (Ce même scénariste commente : « Si ça ne tire pas des larmes des conduits lacrymaux des spectateurs, je ne sais pas ce qui pourrait le faire alors ! ») Ils disent, en sanglotant, « Vous ne pouvez pas faire sauter l’Étoile de la Mort. Et les ingénieurs retenus prisonniers ? Et les cuisiniers ? Et ceux qui travaillent dans les galeries marchandes ? Et ceux qui ont rejoint l’armée de l’Empire pour pouvoir bénéficier d’études supérieures ? Vous – Leia, han, Luke et Chewbacca – vous êtes sans cœur et cruels. »
Dans la scène finale très excitante de la version environnementaliste, une bagarre éclate entre Leia, han, Luke et Chewbacca d’un côté, et les pacifistes de l’autre. A la fin les pacifistes chassent les quatre de la pièce et du film. On ne les voit plus jamais, ce qui n’est pas vraiment important car dans cette version ce sont des personnages secondaires de toute façon. L’Étoile de la Mort s’approche de plus en plus. Les spectateurs se bouffent les ongles alors qu’ils attendent de voir si les lettres, pétitions et procès fonctionneront par magie. Ils voient des lasers à l’intérieur de l’Étoile de la Mort se préparant à la destruction. Ils diffusent la lumière rouge de l’enfer. Les caméras se tournent vers les planètes visées. Soudainement une acclamation s’élèvera de l’audience en voyant un petit point brillant au loin, émergeant de la surface de la planète et s’éloignant dans l’espace. « Oui ! Rugiront-ils, » alors qu’ils apprendront que tous les intrépides contestataires environnementalistes ont pu s’enfuir de la planète juste avant qu’elle explose !
Coda : L’image finale du film, montrant à quel point ce triomphe fut ardu pour les rebelles, sera sur un article dans un coin au fond à gauche de la page 43 du New Empire Times consacré en trois phrases à la destruction de la planète. Oui, on a parlé des contestataires dans la presse ! 473
Traduction: derrickjensenfr.blogspot.ca
ndlt appelée aussi l’Étoile Noire selon les modèles
467 Star Wars, http://www.starwars.com/databank/ (accès le 23/04/2004)
468 Bien sûr, je raconte des histoires.
469 Cette version n’existe pas.
470 Ils avaient aussi changé le titre en « Protest War ».
471 C’était un exemple de mimétisme artistique.
472 Star Wars, http:// starwars.com/databank/location/deathstar/?id=eu (accès le 24/04/2004)
473 C’est une blague, il n’y a pas de scénario !